Caducité des autorisations d'exploiter ICPE : interruption ou suspension ?

Dans deux arrêts récents, le Conseil d'Etat apporte des précisions sur le régime de la validité et de la caducité des autorisations d'exploiter ICPE en précisant les cas de suspension et d'interruption.

Base légale : l'article R. 512-74 du code de l'environnement 

Une fois délivrée par le Préfet, l'autorisation d'exploiter des installations classées pour la protection de l'environnement ('ICPE') devient automatiquement caduque et cesse donc de produire ses effets au cas où (i) le titulaire de l'autorisation n'a pas mis en service les installations dans un délai de trois ans ou (ii) lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

Cette règle est prévue par l'article R. 512-74 du code de l'environnement (anciennement article R. 512-38) et ne prévoyait initialement aucun cas de suspension ou d'interruption, sauf cas de force majeure.

Cet article a été modifié récemment (par le décret 2012-189 du 7 février 2012) afin d'y intégrer justement des cas de suspension.


L'arrêt du 22 mai 2012 

Le Conseil d'Etat rappelle le principe de la caducité :
"sauf le cas de force majeure, la société bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement dispose d'un délai de trois ans pour mettre en service cette installation ;"
Le Conseil rappelle ensuite la limite de l'abus de droit : exécuter des travaux pour contrer la caducité est illégal :
"que, outre le cas où des travaux seraient entrepris dans le seul but d'échapper à l'application de la règle qu'elles édictent, seule une absence de fonctionnement effectif des activités faisant l'objet de l'autorisation d'exploiter une installation classée est de nature à emporter la caducité d'une telle autorisation ; "
Le Conseil pose ensuite un cas prétorien de suspension : l'existence d'un recours en justice contre l'autorisation d'exploiter :
"que, toutefois, le délai de validité d'une telle autorisation est suspendu entre la date d'introduction d'un recours devant la juridiction administrative dirigé contre cet acte et la date de notification au bénéficiaire de l'autorisation de la décision devenue irrévocable statuant sur ce recours ; que lorsque cette dernière décision rejette le recours formé contre cet acte, le délai de validité suspendu recommence à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle ; "
Enfin, la Cour précise un cas d'interruption du délai en cas de faute de l'administration :
"que, par ailleurs, les dispositions de l'article R. 512-38 du code de l'environnement citées ci-dessus ne peuvent recevoir application que si l'absence de mise en service ou l'interruption de l'exploitation n'est pas imputable au fait de l'administration ; que le fait de l'administration, notamment le retrait de l'autorisation, a pour effet, non de suspendre, mais d'interrompre le délai de caducité ; qu'un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l'administration cesse de produire son effet interruptif ; qu'il en va notamment ainsi lorsque le juge administratif, saisi d'un recours, annule la décision de retrait de l'autorisation"

L'arrêt du 25 juin 2012 

Dans cet arrêt la Cour rappelle une fois encore le principe de la caducité et la distinction entre le cas de suspension et le cas d'interruption pour faute de l'administration :

suspension :
"que, toutefois, le délai de validité d'une telle autorisation est suspendu entre la date d'introduction d'un recours devant la juridiction administrative dirigé contre cet acte et la date de notification au bénéficiaire de l'autorisation de la décision devenue irrévocable statuant sur ce recours ; que lorsque cette dernière décision rejette le recours formé contre cet acte, le délai de validité suspendu recommence à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle ; "

interruption :
"que le fait de l'administration, notamment le retrait de l'autorisation, a pour effet, non de suspendre, mais d'interrompre le délai de caducité ; qu'un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l'administration cesse de produire son effet interruptif ; qu'il en va notamment ainsi lorsque le juge administratif, saisi d'un recours, annule la décision de retrait de l'autorisation ;"

En résumé

-  un recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation a pour effet de suspendre le délai de validité de cet arrêté. Le délai de validité suspendu recommence donc à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle.

-  un retrait par l’administration de l’arrêté d’autorisation a pour effet d’interrompre le délai de validité. Un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l’administration cesse de produire son effet interruptif.

- un recours devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire (en application de l’article L480-13 du Code de l’urbanisme) contre le permis de construire déposé simultanément à la demande d’autorisation d’exploiter a pour effet de suspendre le délai de validité de l’autorisation d’exploiter.

Pour aller plus loin

- consulter l'arrêt du 22 mai 2012
- consulter l'arrêt du 25 juin 2012

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