ICPE - précisions sur la prescription de l'obligation de remise en état et sur la responsabilité de l'Etat pour les sites orphelins

Un arrêt du 13 novembre 2019 du Conseil d'Etat apporte des précisions (i) sur la prescription de l'obligation de remise en état au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement ('ICPE') et (ii) sur la responsabilité de l'Etat en cas de sites dits orphelins.


Sur la prescription de l'obligation de remise en état

En droit des ICPE, le dernier exploitant (son ayant-droit ou celui qui s'est substitué à lui) est seul responsable de l'obligation de remise en état. En obtenant l’autorisation d’exploiter une installation classée, l’exploitant devient débiteur d’une obligation, le jour venu, de « remise en état du site » lorsque l’installation cessera son activité. Le Préfet, autorité de contrôle en matière d'ICPE, peut imposer au dernier exploitant de satisfaire à son obligation de remise en état (mise en demeure, astreinte, consignation, amende, exécution d’office des travaux nécessaires aux frais de l’exploitant défaillant).

En l'absence de dispositions législatives en la matière, le Conseil d'Etat a décidé en 2005 que l'administration ne pouvait imposer la charge financière des mesures de remise en état au dernier exploitant que pendant une durée de 30 ans à compter de 
"la date à laquelle la cessation d’activité a été portée à la connaissance de l’administration, sauf dans les cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés" (CE 8 juillet 2005, 347976, Alusuisse Lonza).
L'obligation réglementaire de notifier la cessation d'activité en Préfecture n'ayant été créée qu'en 1977 par l'article 34 du Décret 77-1133, se posait la question de savoir quel était le point de départ de la prescription trentenaire pour les installations mises à l'arrêt définitif avant 1977. 

Dans un arrêt du 13 novembre 2019, le Conseil d'Etat apporte des précisions sur ce point. Alors que la Cour administrative d'appel avait considéré, après avoir examiné les faits de l'espèce, que la date de la cessation d'activité avait été portée à la connaissance de l'administration en 1958, le Conseil d'Etat estime pour sa part que
 "lorsque l’installation a cessé de fonctionner avant l’entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977 ..., hors le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site ont été dissimulés, le délai de prescription trentenaire court à compter de la date de la cessation effective de l’activité"
En l'espèce, la date de la cessation effective d'activité étant 1920, l'obligation de remise en état était prescrite et le Préfet ne pouvait par conséquent plus imposer de quelconque mesure de remise en état au dernier exploitant.

Sur la responsabilité de l'Etat

Pour les sites dits 'orphelins' c'est-à-dire les sites pour lesquels l'administration n'a pu identifier aucune personne responsable (disparition ou insolvabilité du dernier exploitant ou de ses ayant droit) ou pour lesquels la prescription trentenaire s'oppose à toute action contre le dernier exploitant ou son ayant droit, le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que l'Etat a la faculté (mais pas l'obligation) d'intervenir lui-même pour dépolluer le site  
"l’Etat peut, sans y être tenu, financer lui-même, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, des opérations de dépollution au regard de l’usage pris en compte, dont il confie la réalisation à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ou à un autre établissement public compétent." 
créé désormais une obligation de dépollution à la charge de l'Etat en cas de risques graves
"Dans le cas toutefois où il apparaît que la pollution d’un sol présente un risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou pour l’environnement, il incombe à l’Etat de faire usage de ses pouvoirs de police en menant notamment des opérations de dépollution du sol, pour assurer la mise en sécurité du site, compte tenu de son usage actuel, et remédier au risque grave ayant été identifié.".
L'Etat devient ainsi le débiteur de dernier recours de l'obligation de remise en état, à condition d'un risque grave pour l'environnement ou la santé.

Toutefois, la création de cette nouvelle obligation ne profite pas à l'affaire en cause pour laquelle le Conseil d'Etat estime qu'aucune carence fautive ne peut être imputée à l'Etat.

CE, 13 novembre 2019, 416860, Marennes

Frédéric Bourgoin - Avocat - www.fb-legal.com 

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