Le 5 mars 2009, le juge des référés d’Angers a interdit à Orange France d’installer une antenne relai sur le clocher de l’église de la commune de Notre Dame d’Allençon, sous astreinte de 5.000 euros par jour en cas d’infraction constatée.
Rappel des faits
Orange France a décidé d’implanter dans le clocher de l’église de la commune de Notre Dame d’Allençon des antennes relais pour son réseau de téléphonie mobile, dans le cadre de la réglementation applicable. Les travaux ont été autorisés par la commune en septembre 2008. Des riverains et parents d’élèves d’une école située à proximité de l’antenne projetée (environ 70 mètres selon l’analyse du juge des référés) ont demandé au juge des référés d’interdire, sous astreinte, l’installation des antennes relais sur le fondement de l’article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile.
Le juge d’Angers ordonne l’interdiction de l’installation à la fois sur le fondement de l’article 809 alinéa 1 et sur le fondement du principe de précaution.
Sur ces deux fondements, la décision du juge est une aberration juridique.
Sur le « dommage imminent » de l’article 809
Rappelons que l’article 809 al 1 du Code de procédure civile dispose que « [le juge] peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »
En droit, pour pouvoir interdire l’installation des antennes relais, le juge d’Angers devait donc expliquer en quoi cette installation était constitutive d’un « dommage imminent » ou d’un « trouble manifestement illicite ».
Pour le juge d’Angers, l’installation des antennes relais constitue un « dommage imminent » car ce terme « intègre à l’évidence le risque sanitaire pour les populations riveraines de l’installation projetée ». Le juge n’explique pas en quoi l’installation des antennes relais projetée constitue bien un risque sanitaire avéré, pourquoi un tel risque avéré peut être qualifié de « dommage » et en quoi ce dommage serait « imminent ». On notera en particulier l’utilisation du terme « à l’évidence » comme seule justification du juge d’Angers. On est bien loin du droit !
On notera également que les seuls risques avérés qu’il mentionne sont les « risques avérés pour la santé publique au [sic] cas de dépassement des normes actuellement en vigueur ». Or, le juge d’Angers ne fait état d’aucun élément lui permettant d’affirmer que l’installation projetée dépassera les normes en vigueur.
Sur le principe de précaution
Le juge d’Angers fonde principalement sa décision sur le principe de précaution dans la mesure où il affirme « le principe de précaution nous commande d’ordonner l’interdiction de mise en œuvre du projet d’implantation des antennes relais …, interdiction constituant une mesure effective et proportionnée visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». Il se réfère ici uniquement à l’article L.110-1 du Code de l’environnement. (Aucune référence à l'article 5 de la Charte de l'environnement)
Or, en droit français, le principe de précaution est extrêmement limité : il ne s’applique en effet qu’aux pouvoirs publics et uniquement dans le cadre des politiques de protection de la nature visées à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Cela signifie d’une part qu’il ne s’applique pas aux tribunaux judiciaires (et le juge d’Angers ne peut donc pas l’appliquer) et d’autre part qu’il ne concerne que l’environnement (la nature) et pas les risques sanitaires (les hommes).
Par ailleurs, le principe de précaution, par définition, ne concerne que des risques potentiels, c’est-à-dire non avérés. Lorsque qu’un risque est avéré (certain), on change de notion et on passe de la précaution à la prévention. Or, le juge d’Angers fonde principalement sa décision sur l’application du principe de précaution. Cela signifie que, selon lui, il n’y a donc pas de risque avéré. S’il n’y a pas de risque avéré, comment peut-il dès lors y avoir un « dommage imminent », seul fondement possible de sa décision d’interdiction ?
Au final, cette décision relève de tout, sauf du droit. Elle devrait d’ailleurs logiquement être annulée en appel et cette décision n’aura donc été qu’une perte de temps et d’argent pour tous les intervenants.
Pour aller plus loin
Lire la décision du TGI d'Angers du 5 mars 2009.
Lire notre article : Antennes relais - le trouble de voisinage au secours des riverains
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