Inspiré par le Grenelle Environnement, le Projet de Loi Grenelle 1 est une loi d'orientation ou loi de programmation dans laquelle l'Etat se fixe des objectifs à moyen et long termes.
Dit autrement, il s'agit de "droit mou" (soft law) : on ne rentre pas dans le détail, on ne pose pas d'obligations, de normes (il faudra attendre notamment la loi Grenelle 2), on en reste aux déclarations d'intention, aux voeux pieux, aux catalogues de mesures qu'il conviendrait de prendre et on n'aborde (presque) jamais les questions de fond : quand et comment.
L'utilisation quasi systématique du futur et les formulations employées parlent d'elles-mêmes :
"Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. ... La politique des transports contribue au développement durable ... l’État étudiera la création ... L’État se fixe comme objectif ... L’État incitera ... L’État encouragera ... L’État favorisera ... L’État veillera à ... L’État s’attachera à ... L’État met à l’étude ... l’État accordera une priorité ... l’État portera une attention spécifique au ... L’État accompagnera ... il est prévu d’interdire ... devra prendre en compte ... les objectifs à atteindre sont ..."
Du point de vue politique, ce catalogue de mesures envisagées trace la route et informe les citoyens et les acteurs de ce qui les attend (vraisemblablement mais sans certitude) en matière d'environnement. Un tel catalogue aurait cependant plus sa place dans un communiqué de presse que dans une loi.
Du point de vue juridique, ce type de loi est parfaitement inutile et contre productif.
Tout d'abord, on peut difficilement concevoir que le législateur vote une loi qui ne soit pas normative. Les lois sont en effet censées définir des obligations, des droits et des devoirs. Ce n'est pas le cas du projet de loi Grenelle 1, comme le constate le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Christian Jacob, lorsqu'il écrit que "la normativité des différentes dispositions n'est pas toujours prononcée". C'est le moins que l'on puisse dire !
Il est vrai que le projet de loi Grenelle 1 est présenté comme une "loi de programme". Or, les lois de programme sont une exception au caractère normatif des lois, et permettent de planifier des investissements/dépenses sur plusieurs années. On peut toutefois s'interroger sur l'utilisation d'une loi de programme dans le domaine de l'environnement. Le Conseil constitutionnel pourrait utilement être saisi pour se prononcer sur ce point.
Ensuite, ce type de loi renforce l'insécurité juridique des citoyens et des acteurs économiques. En effet, le projet de loi envisage de nombreuses mesures mais sans jamais en exposer les modalités concrètes et ne permet donc pas aux acteurs économiques d'en analyser les conséquences pratiques et financières sur leurs activités.
Enfin, ce type de loi participe à l'encombrement du Parlement.
Bref, le Parlement se fourvoie dans une opération de communication et dans la mode du développement durable, royaume des bonnes intentions et d'engagements vagues.
Espérons que le projet de loi Grenelle 2, dont le contenu devrait être annoncé et discuté au Parlement au printemps, sera l'occasion d'entrer dans le vif du sujet.
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